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Photo Nnoman Cadoret

Le 24 mai 2021 par Guillaume Quintin

Le problème de la Police, c’est… la Police!

Les aboiements de la foule haineuse qui s’étalait sous les harangues des syndicalistes policiers ce mercredi 19 mai 2021 ne sont pas encore tout à fait tus. Les saillies anti‐démocratiques des barbares à brassard orange et chaussures à clous ne sont pas éteintes.

=== Le souvenir de la vue de – presque – tou•tes celles et ceux qui se rêvent présidentiables racolant éhontément ce parterre déliquescent à peine estompé, l’hallucinante visite de Darmanin venu, par on ne sait quelle torsion de bulbe, soutenir une manif de flics d’extreme droite tout juste encaissée, la France continue, trois jours après de subir les scories de ce déferlement outrageant la République autant que la démocratie: aujourd’hui le Ministre de l’intérieur, le ci devant Gerald Darmanin, a annoncé porter plainte contre Audrey Pulvar, candidate à la Région Ile De France, au motif qu’elle aurait déclaré que de le voir lui à cette manif (pour le moins anti républicaine) au pied du Parlement, donc contre la représentation nationale, était “une image glaçante”.

“Une image glaçante”… Oui, à tout le moins! Voir le ministre de l’intérieur, donc le comptable de l’état de la Police, manifester en soutien aux Policiers qui se plaignent des conditions d’exercice de leur métier, ça n’est pas seulement “glaçant”, c’est un mélange des genres totalement ubuesque, délirant. Au surplus lorsque les mêmes policiers expriment le fait que: “Le problème de la Police, c’est la Justice”, alors là on est plus dans le délire, on est dans le plus total affront aux institutions.

Entendre des agents d’un service de l’Etat, pas n’importe lequel, la Police, expliquer qu’ils se défient d’autres agents de l’Etat, pas n’importe lesquels, les magistrats, montre bien qu’un truc a merdé. Grave. Ce qui a merdé, en réalité, c’est l’abandon, depuis au moins trois quinquennats, des services publics. La situation à laquelle nous faisons face en est directement le résultat. Sous investissement structurel, politique du chiffre et du “tout répressif”, taille massive dans les effectifs, mépris de nos dirigeants pour tout ce qui peut toucher, de près ou de loin, à la prévention, et j’en passe, et ça ce n’est que pour la Police! Pour la justice idem! Réduction de la carte judiciaire, coupes drastiques dans les effectifs, sous investissement chronique dans les structures, sur‐population carcérale, et sous effectifs dans la pénitentiaire, audiences “à l’abattage”, etc, etc. 
Toutes les conditions sont réunies pour que la justice n’ait pas les moyens de faire le boulot, pas plus que la police.


Mais il y a plus grave. Le plus grave, c’est que “la Police” est devenue ces dernières années, sous l’effet conjugué de la colère grandissante de ses agents et de la désaffection des gouvernants, alimentant la première, un bastion gangréné par la mainmise des syndicats de police sur la gestion de la maison poulaga. En décembre 2014, dans LePoint, Olivier Pérou, expliquait comment via les émargements des listes aux élections professionnelles, les syndicats “surveillaient” les flics, et comment, ceux qui ne votaient pas “convenablement” n’avaient pas leur avancement. Le syndicat VIGI‐Ministère de l’Intérieur (VIGI‐MI) a dénoncé en 2018 les méthodes avec lesquelles, preuves à l’appui, d’autres syndicats s’attirent les votes des collègues. Ce qui a valu à son secrétaire général, Alexandre Langlois d’être victime d’un harcèlement acharné de Castaner, puis de Darmanin, qu’il accuse de collusion avec certains syndicats, à tout le moins de ne pas agir contre, voire d’encourager, les dérives de ceux‐ci.

On a vu, dans un de mes précédents billets – Police, racisme et culture d’entreprise – comment, cette institution, par son histoire, par ce qui a constitué ses fondamentaux (née en 41 sous Pétain et l’occupant nazi, agglomérat des polices coloniales, etc) est intrinsèquement une institution violente. 
Elle l’est doublement, violente, puisque, au surplus, dépositaire de “la force et de la violence légitimes”. Il y a aurait d’ailleurs long à dire et à écrire sur ce seul thème, mais ça n’est pas le sujet ici. Admettons, pour la facilité du propos, qu’on l’accepte. La Police est donc violente par nature et par destination.

Sur le site du Ministère de l’Intérieur nous pouvons lire: “La loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité de janvier 1995 a énoncé les missions prioritaires de la police nationale, confirmées par la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure d’août 2002  :

  • La sécurité et la paix publiques, consistant à veiller à l’exécution des lois, à assurer la protection des personnes et des biens, à prévenir les troubles à l’ordre public et à la tranquillité publique ainsi que la délinquance  ;
  • La police judiciaire, ayant pour objet, sous la direction, le contrôle et la surveillance de l’autorité judiciaire, de rechercher et de constater les infractions pénales, d’en rassembler les preuves, d’en rechercher les auteurs et leurs complices, de les arrêter et de les déférer aux autorités judiciaires compétentes  ;
  • Le renseignement et l’information, permettant d’assurer l’information des autorités gouvernementales, de déceler et de prévenir toute menace susceptible de porter atteinte à l’ordre public, aux institutions, aux intérêts fondamentaux de la Nation ou à la souveraineté nationale”

La police a donc pour mission de « veiller à l’exécution des lois », « sous la direction, le contrôle et la surveillance de l’autorité judiciaire », de rechercher et de constater les infractions pénales, d’en rassembler les preuves, d’en rechercher les auteurs et leurs complices, de les arrêter et de les déférer, etc. Je ne vois nulle part écrit qu’il serait dans ses prérogatives ou ses attributions de contester la Justice, ou mettre la pression du l’institution parlementaire.

On nous dit que la manif du 19 mai avait pour objet une démonstration de soutien aux policiers trop souvent victimes dans leur chair de la violence de la rue. Qui pourrait refuser de les soutenir sur ce sujet? Ce que ne disent pas les syndicats de police c’est que rien n’est fait pour endiguer les suicides de flics pourtant 4 fois plus nombreux que les morts en interventions. Peut‐être craignent ils qu’on mette en lumière les pressions dégueulasses qui s’exercent sur les flics qui « résistent » qui « ne rentrent pas dans le moule » de leurs petites combines poisseuses, au point pour finir de se coller leur arme de service dans la bouche, et de presser la détente.

On nous dit que la manif du 19 mai avait pour objet de dénoncer les conditions de travail déplorables des flics, les commissariats délabrés, les voitures qui tombent en botte, les recrutements qui n’arrivent pas, la paperasse kafkaïenne, etc. Mais qui a accepté sans bronché la politique du chiffre et ses petites (et grosses) primes bien mesquines plutôt que de se battre pour des salaires pour toutes et tous? Sinon, une fois de plus ceux qui se disent les défenseurs de leurs collègues mais ont détourné le système à leur avantage?

On nous dit que la manif qui 19 mai avait pour objet de rendre hommage aux deux policiers tombés, l’une, Stéphanie Monfermé à Rambouillet et l’autre Eric Masson, à Avignon. L’une lâchement agressée, l’autre au cours d’une intervention. Qui pourrait ne pas avoir de compassion pour la famille les amis et les collègues de ces deux personnes? Qui? Mais la douleur autorise‐t‐elle un délégué syndical à dire que « les digues de la Loi et de la Constitution » doivent céder? A menacer les élus qui ne soutiendrait pas leur mouvement factieux?

On nous dit que la manif qui 19 mai avait pour objet de dénoncer le raz le bol des flics de voir les « délinquants qu’ils arrêtent aussitôt relâchés par la justice ». Ah bon? Avec des prisons à +60% de surpopulation ils veulent quoi ? Qu’on embastille des mômes pour 2 grammes de shit? Ils sont sérieux? Pendant que les effectifs manquent pour courir après les fraudeurs en col blanc, les organisateurs de réseaux de trafic d’êtres humains, les grands réseaux de banditisme et de prostitution… Eux n’ont qu’à la bouche la récrimination envers celles et ceux sous l’autorité de qui ils sont censés travailler! On peine à croire, d’ailleurs, que tout ça n’est pas délibérément orchestré afin de détourner leur attention des vrais sujets.

Comme déjà dit ailleurs, faire en sorte que les gens regardent autour d’eux pour ne pas qu’ils voient ce qui se passe au dessus! parce que pendant ce temps là il s’en passe de drôles. Comme à peu près tous les services publics qu’Emmanuel Macron s’est juré de démanteler au profit du privé, celui de la Police ne fait pas exception. Et d’ailleurs la Loi dite #SécuritéGlobale a déjà entamé le tour de cliquet avec l’ouverture de certaines missions de police à des officines privées. Le saccage est En Marche ! Il convient donc d’agiter tous ces esprits plus ou moins faibles, en tout cas soumis à la rude épreuve d’un travail arrassant effectué dans des conditons matérielles déplorables afin qu’ils ne s’emparent surtout pas des vrais sujets! Et les vrais sujets concernant la Police c’est, à la surprise du fin connaisseur de ces questions, Alain Bauer, le candidat Melenchon, en 2017, qui s’en était emparé avec le plus de sérieux selon l’expert, celui là même sur lequel les mêmes syndicats de Police ne cesssent de cogner au motif qu’il serait anti‐flic. Rien n’est plus faux!

Non, vraiment le problème de la Police, ça n’est pas la Justice. Le problème de la Police, c’est la Police!