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30 janv. 2019 Par Guillaume Quintin

Une petite musique se fait entendre depuis quelques semaines sur l’air de “Pourquoi Macron est il tellement haï?”. On convoque sociologues, psychologues, et autres déconologues qui cherchent tous à nous infuser le pourquoi du comment des raisons de la haine des Gilets Jaunes pour ce bon président qui n’a pour seuls défauts, si j’ose dire, que de n’être le plus jeune, le moins expérimenté (“Il apprend” nous dit Michel Drucker sur CNEWS), et surtout le premier à etre confronté à la violence des réseaux sociaux… De façon plus prosaïque, la vérité ne serait‐elle pas ailleurs?

=== Tout d’abord, pour que mes lectrices et lecteurs comprennent bien d’où je parle, il faut dire quel fut mon parcours professionnel depuis 35 ans… Je l’ai fait essentiellement dans des fonctions touchant à ce que j’appelle “la gestion de la relation”… En effet, après 7 ans dans la vente automobile, j’ai passé 7 ans dans la vente B2B, dans l’industrie de l’emballage, puis dans la vente dite “grands comptes” puis, après avoir passé un diplôme de Business School à 35 ans (avec une spécialisation en psychologie des équipes de travail et gestion d’équipe), j’ai passé 5 ans à la direction de sites industriels.

En 2007 je me suis installé à mon compte comme coach professionnel et manager de transition, ce qui m’a donné l’occasion de travailler avec tout un tas de gens à les aider à gérer leur difficultés… relationnelles. Bref, tout ça pour vous dire que lorsqu’il s’agit d’avoir un oeil sur comment quelqu’un gère sa relation aux autres, pris individuellement, ou au groupe, voire à l’équipe, disons que j’ai rapidement la vision de comment il fonctionne.

Ce qui est passionnant lorsqu’on s’intéresse à ces sujets, c’est que l’on comprend vite qu’une relation, ça n’est pas juste la confrontation de deux “caractères” ou deux “personnalités” (ou plus dans le cadre d’une relation au groupe), et que ce qui en résulte serait hors de contrôle de l’un ou l’autre ou que, a contrario, tout serait de la faute de l’un et pas de l’autre, mais que c’est également le résultat de choix opérés par les protagonistes de la relation, le “groupe” pouvant également être considéré comme une entité en mesure de faire des choix relationnels et de les mettre en pratique, de façon concertée ou non.

En effet, dans une relation, au delà de “qui” nous sommes, entrent également en jeu les choix comportementaux que nous faisons. Je dis “choix” parce que les comportements que nous adoptons dans un rapport à autrui sont des choses sur lesquelles nous avons une influence, du pouvoir. Dans la mesure ou l’être humain est un animal doué de raison, il n’agit pas que par instinct, ou par conditionnement (éducation). Il agit également en fonction de choix opérés sur le moment ou longuement muris. Si on me propose de prendre un verre, je peux accepter… ou non, quelle que soit “l’envie”, voire le besoin, que je peux avoir de ce verre qu’on me propose, je peux dire “non”… C’est ce qui nous distingue grandement du reste du règne animal.

Cela posé, une chose m’est assez vite apparue, en particulier lors de ma formation au coaching: les deux protagonistes d’une relation détiennent chacun 100% de la qualité de la relation. Je le repose pour que ça soit bien clair: les deux protagonistes d’une relation détiennent chacun 100% de la qualité de la relation qu’ils entretiennent. (ça va?)… Bon, j’entends déjà les cris d’orfraies là‐bas au fond “oui, mais non, mon patron, c’est un sale cxx, y’a rien à en tirer, bla‐bla‐bla”… Oui, bon, d’accord, peutêtre… mais en fait non.

Nous avons toutes et tous, la possibilité de modifier la façon dont un lien s’est instauré, parce que nos comportements influent sur les comportements de l’autre, parce qu’une relation c’est toujours une chambre d’écho réciproque dans laquelle chacun émet un signal, lequel est sujet à un signal en réponse, qui donnera lieu à un contre signal, en contre réponse, etc, etc… Il suffit qu’à un moment, l’un des deux modifie l’intensité ou la fréquence (pour prendre l’analogie avec une vibration sonore, un “écho”) d’une réponse pour que d’un coup la contre réponse soit différente… Qui n’a pas vécu l’exaspération que provoque un ado répondant d’un ton rebelle ou agressif, alors que le même ado est connu pour être capable d’être parfaitement agréable “quand il en a envie” (ça marche aussi avec “une ado” et “elle” )?…

Bref, je ne vais pas vous entretenir plus longuement de mes vues sur la psychologie de la relation mais voilà, je voulais vous éclairer sur ce qui m’a amené à me questionner sur ces signaux faibles que je perçois depuis quelques semaines, voire quelques mois, à propos de Pharaon (vu qu’il est en Egypte en ce moment, je trouve que ça lui va comme un gant), et qui sont autant de tentatives d’explication du pourquoi Macron est tellement haï et détesté… De Libération à L’Express, en passant par toute la blogosphère, tous y vont de l’article qui va nous expliquer pourquoi les français ont de bonnes ou de mauvaises raisons de détester leur président.

Alors on convoque tout un tas d’experts, disais‐je, pour nous expliquer que cette haine est dirigée vers Macron. Et on a droit, pèle‐mêle, à sa jeunesse, qui nous vaudrait cette “fraicheur de ton”, n’est‐ce pas; son intelligence, qui est très au dessus de celle du commun, mais alors très très très au dessus, un garçon… brillantissssssssime; et puis tellement spirituel (les kwassa‐kwassa, hein!), non, vraiment, tellement vif… enfin, bref, un pur esprit, un genre de génie… Bon, et puis, il veut aller vite, alors c’est à la fois une qualité et on comprend que ça puisse heurter, hein, les français (ces cons‐là), n’ont pas l’habitude qu’on les brusque (les gaulois réfractaires,pensez donc!)…

Donc “tout ça plus tout ça” ferait que les français ne comprennent pas que c’est fait pour leur bien: la suppression de l’ISF, de l’Exit Tax, la mise en place de la Flat Tax, la destruction du code du travail – demandez aux Ford, aux GM&S, aux ARJO‐WIGGINS comment ils voient ça! – destruction de la SNCF, de LA POSTE, et des services publics en général, le renoncement sur l’interdiction du Glyphosate, la baisse des APL, l’augmentation de la CSG sur les retraites, le renoncement à courir après les fraudeurs fiscaux, etc, etc, etc… bref toutes ces mesures les français ne verraient pas qu’elles sont faites pour LEUR BIEN! Ah, mais! Puisqu’on vous le dit que ça va RUI‐SSE‐LER!! un peu de patience que diable!!!

Quelques fois, tout au plus, reconnait‐on que les saillies discursives du gamin sont un peu abruptes mais souvent pour vite nous expliquer qu’il n’a pas voulu dire ce qu’on croit qu’il aurait voulu dire, parce qu’en réalité comme il l’a effectivement dit c’est assez surement parce qu’il n’a pas voulu dire ça vu que Sa Pensée est tellement stratosphérique que le sens de Ses mots nous échappent… Appelle‐moi con, pendant qu’on est là… on va gagner du temps…

Et puis je me souviens de la tribune de François Ruffin, qui avait écrit le 4 mai 2017 cette fameuse « Lettre ouverte à un futur président déjà haï » dans laquelle il contait comment il avait pu observer sur le terrain qu’avant même d’avoir été élu, et a fortiori d’avoir pris une quelconque fonction, combien Macron était “haï, haï, haï!”… Il récidiva le 27 novembre 2018, dix jour après l’Acte I des Gilets Jaunes, en réclamant le départ de Macron à qui il faisait part dans son message de l’aversion que celuici suscitait auprès des français. Cela lui valut une tribune vitriolée et vitrifiante de Sabine Prokhoris dans Libé dans laquelle la dame nous explique, en gros, que Ruffin (et Jean Luc Mélenchon avec, tant qu’on y est, soyons fous!) haïssent en réalité la République, rien que ça! et sont de ceux qui haïssent les gens pour ce qu’ils sont (juifs, homosexuels, etc – je vous le dessine ou ça ira?), le tout dans un sophisme magnifique, mais dont la ficelle un peu épaisse laisse voir la manoeuvre comme le nez au milieu de la figure.

La réalité c’est que Macron n’est pas haï pour ce qu’il est, après tout, et comme il l’a dit lui même ces derniers jours, “il n’est pas né banquier”, et peu importe ce qu’il est par sa naissance. Il n’est pas haï, si ce n’est par une petite troupe de réacs fachoïdes pour sa sexualité ambigüe et ses poses lascives en compagnies extravagantes… non… Les français, dans leur immense majorité, se contre‐foutent d’où il sort et d’avec qui il s’envoie en l’air. Peu leur chaut, et il en est ainsi de tout temps… La vie privée de leur président n’est pas un sujet.

La réalité c’est que Macron est haï pour ce qu’il fait, pour sa politique! Car c’est bien parce qu’il fait à ce pays un mal qu’il faudra des années à panser que les gens le détestent, c’est bien parce que sa politique aggrave les conditions d’existence de millions d’entre eux, déjà mises à mal par la politique de Hollande, que ceux qui sont sur les ronds points lui en veulent, c’est bien parce que dans le même temps il fait aux plus riches de ce pays des cadeaux immenses, injustifiés et injustifiables que les Gens le détestent. C’est bien parce qu’ils voient qu’il va déchiqueter le système de retraites, la Sécu, l’assurance chômage, finir de vendre le patrimoine industriel de la France, filer tous les services publics au secteur privé, jusqu’à l’éducation de leurs mômes, c’est bien pour tout cela qu’ils le détestent. Et ils le détestent encore et d’autant plus parce que tout cela est fait consciemment, méthodiquement, et systématiquement.

La réalité c’est que Macron est haï, aussi, et peut‐être surtout, pour la façon dont il se comporte avec les Français! En effet, mariés de force, en quelque sorte, à ce jeune homme, ils ont tout de suite, et bien avant la noce du 7 mai 2017, senti qu’on les flouait.

La surmédiatisation du candidat Macron, l’énorme bienveillance des médias vis‐à‐vis des thèses du Front National ont permis de tendre aux Français le piège qui allait se refermer sur eux. Beaucoup, comme l’ont montré les études post‐vote, se sont fait avoir par le “ni de droite ni de gauche”, par la jeunesse et la nouveauté que semblait incarner ce type, sa volonté de “réformer”, sans qu’on sache vraiment quoi et comment (rappelons ici que le programme détaillé du candidat Macron n’a été publié qu’un mois avant le vote du premier tour, et qu’il n’avait de cesse de répéter que le programme n’avait pas d’importance jusqu’alors!), et le tour glamour qu’une presse sur papier glacé a donné à sa relation conjugale, pourtant commencée par ce qu’il faut bien appeler une corruption de mineur, le seul Paris Match lui “offrant” 25 “unes” entre Juillet 2016 et avril 2017, quasiment toutes ses unes sur la période en réalité (lire “Crépuscule” de Juan Branco pour comprendre comment Macron est parvenu à remporter le premier tour)!

Malgré ce bastonnage, ce pilonnage médiatique, Macron ne recueillera “que” 18,2% des inscrits au premier tour… C’est dire si il a été imposé aux forceps! Et je ne reviendrai pas ici sur le bashing immonde qu’a subit Jean‐Luc Mélenchon, son seul véritable adversaire à gauche, ni sur l’affaire Fillon, dont l’opportunité n’échappe à personne!

Nous voilà donc collectivement unis à ce type dont, globalement, nous ne voulions pas, mariés de force à cet homme dont nous sentions qu’il était trop poli, trop policé, pour être tout à fait honnête. J’avais d’ailleurs écrit un billet ici même dans lequel j’expliquais pourquoi je ne voterais pas pour lui le 7 mai. Car enfin, de la même façon qu’on ne fait pas d’un percheron un cheval de course on ne peut pas faire d’un banquier, du secrétaire général‐adjoint de l’Élysée de Hollande, ni de son ministre des finances responsable des lois dites loi Macron et copilote de la loi travail ElKhomri, un président social soucieux de l’intérêt général et du bien commun. Nous savions par avance quelles allaient être ses orientations politiques et économiques. Et soyons francs, dans l’ignoble il ne nous a pas déçu! Le chantier de la pulvérisation du code du travail à l’été 2017 a immédiatement fixé le ton et le tempo de sa gouvernance.

Encore s’en serait‐il tenu à cela, appliquer une politique pour les plus riches profondément injuste et antisociale, mais l’aurait‐il fait en faisant profil bas et en ne s’exposant pas, qui sait si cela n’aurait pas, finalement, mieux fonctionné? Mais il n’a pas pu s’empêcher… Non content d’écraser les Français socialement, il les humilie chaque fois que c’est possible, c’est‐à‐dire toujours à distance, en particulier lors de ses voyages à l’étranger mais pas seulement, ses déplacements en province étant toujours l’occasion de petites phrases venimeuses.

En revanche chaque fois qu’il en a l’occasion, il n’a de cesse de louer les Français et la grandeur de notre pays. Ils se comporte en réalité comme un pervers narcissique qui un jour vous encense pour mieux vous gifler le lendemain, si ce n’est le jour même, qui passe son temps à vous dire combien vous êtes magnifique et formidable pour mieux vous culpabiliser de ne pas réussir mieux, et finalement vous infliger la punition que vous méritez…

Face a un tel comportement, qui vient s’ajouter aux effets délétères d’une politique aux effets dévastateur sur le quotidien des français, face à la surdité totale de Macron, de Philippe et de son gouvernement, l’immense majorité des Français s’est mise à haïr ce type mal élu, et qui n’a pour eux que mépris. La réalité c’est que Macron est haï parce qu’il est haïssable. Simplement, totalement, parfaitement, haïssable! Et que cette haine c’est lui qui la suscite, qui la déclenche, qui l’entretient et la nourrit.

Une dernière chose les horripile, les Français, c’est que tout ça soit fait en leur nom, parce qu’ils ont, parait‐il, “massivement voté pour lui en 2017”, et l’ont élu, lui, et pas un autre, et qu’alors, ils n’ont qu’à bien la fermer et subir… sauf que les français détestent une chose plus que tout: c’est qu’on les prennent pour des cons.