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Le 22 avril 2020 par Guillaume Quintin

Le bicyclette blues, ou quand le libéralisme chute à cause d’un (tout) petit caillou.

Nous sommes le 22 avril 2020, voilà 37 jours que nous sommes confinés pour cause de COVID_19. Une épidémie due a un coronavirus, le SARS‐CoV2, qui se répand depuis la fin décembre semble‐t‐il, depuis la Chine, ou les USA (?), et qui aurait fait à ce jour dans le monde 178845 morts, pour 2585468 cas avérés de contamination (source : John Hopkins University).

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C’est beaucoup… En France, nous avons passé la barre des 20000 décès (officiels) ces jours‐ci et, selon la même source, serions à 20829 décès. La lecture attentive des news circulants sur les réseaux sociaux, de leur recoupement et de leur mise en perspective laisse penser que le chiffre réel est biens au‐delà de ça, en particulier du fait des décès à domicile et dans les structures d’accueil type EHPAD qui ne sont pas comptés officiellement, et qui à eux seuls représentent selon les jours des centaines de morts.

L’annonce de la pandémie et la mise en œuvre du confinement en Chine, en Italie, en France, en Allemagne, et partout dans le monde (on parle de près de 3 milliards d’êtres humains confinés) a provoqué à partir de la dernière semaine de février une chute vertigineuse des cours de bourse un peu partout dans le monde pour accuser des « pertes » de ‑30 à ‑35 % aux alentours du 20 mars… Le pétrole brut, véritable étalon de l’activité mondiale, a perdu les deux tiers de sa valeur et le baril de Brent est passé en trois mois et demi de 70 dollars US à moins de 20 dollars US le baril. Certaines sortes (bitumineux de schiste) s’échangent même à cours négatifs (< 0 !), du jamais vu !

Le confinement a mis l’économie à l’arrêt, et alors que certains pays, tels que le Danemark, ont conditionnés les aides étatiques aux entreprises à certaines conditions de bon sens (pas de distribution de dividendes, pas d’implantation dans les paradis fiscaux) Emmanuel Macron et Edouard Philippe, fidèles à eux même et à leur idéologie mortifère, non seulement distribuent des milliards d’argent public, mais n’y mettent aucune condition ni procédure de contrôle de l’usage qui sera fait de cet argent. Au Macronistan, c’est « business as usual » !

En revanche, ça taxe à tout va les citoyens qui ne respectent pas le confinement, et même parfois, ceux qui le respectent. Ça dépend de leur couleur de peau et de leur faciès. Mon épouse, d’origine bretonne, châtain, la cinquantaine grisonnante, se fait contrôler avec une attestation dont elle a changé 8 fois la date « bonjour Madame, tout va bien, circulez s’il vous plait, au revoir madame », Mohamed (le prénom a été changé), à peine trentenaire, dont le grand‐père est né du coté de l’Atlas, journaliste, pourtant parfaitement en règle, n’a pas le temps de sortir son attestation « On s’en bat les couilles, casse toi, t’as rien à foutre là » clé de bras, coups, amende de 135€ (scène filmée en direct sur les réseaux sociaux) …

Mesdames et Messieurs, la police Républicaine !

Notre bon ministre de l’intérieur, le sémillant et incapable Christophe Castaner dont l’opposition Insoumise (mais pas seulement) réclame la démission à corps et à cri depuis des mois, se vante à longueur d’antennes des 400000 PV dressés par ses miliciens ! En France, en temps de pandémie, à défaut de masques, l’État distribue des prunes. Youpi ! On est sauvés !

Cette crise n’est pas une guerre, n’en déplaise au locataire de l’Elysée, non ! Si ça l’était, on armerait celles et ceux qui sont en première ligne, on les équiperait avec le matériel dernier cri et on s’assurerait qu’ils ont tout ce qu’il faut pour, bataille après bataille vaincre l’ennemi. A ce « jeu » là, la France, dans le quinté de tête des producteurs et marchands d’armes mondiaux, aurait sans doute très vite pris le dessus. Mais, las, la parabole n’a aucun sens puisqu’en réalité, point d’ennemi, point de guerre, point de bataille, point de défaite ou de victoire ! Nous sommes confrontés à une pandémie, une épidémie d’ampleur mondiale, et ce que nous combattons ce sont les effets d’un virus. Il n’a pas de stratégie ni de tactique, pas de plan de bataille, pas d’objectif. Il se répand. Il passe d’un hôte à l’autre, aveuglément, au grès des opportunités que nous lui offrons de le faire.

Les effets de ce virus, de cette saleté de l’infiniment petit, vont avoir des conséquences colossales à l’échelle de nos sociétés, de nos économies. Elles ont déjà commencé à se faire sentir, et les effets sur les bourses mondiales ou le cours du pétrole brut sont peut‐être les moindres. On annonce déjà une « croissance » de ‑8 ou ‑9%… Sans doute nos encostardisés de Bercy trouvent‐ils là une façon de se rassurer : annoncer le recul de l’économie en parlant de « croissance », négative, oui, mais de croissance quand même ! Ah les cons !

La réalité c’est que depuis plusieurs jours déjà, toutes les structures d’aide aux plus démunis sont débordées… on assiste à des files interminables, aux USA, en Europe, pour quelques victuailles auprès du Secours Populaire, de la Croix‐Rouge et de toutes les associations et ONG de soutien aux plus pauvres. Beaucoup, dont la situation sociale était chancelante avant le COVID_19 ont versé dans la précarité et la misère en quelques semaines. Chômage, total ou partiel, fermeture d’entreprises (surtout des petits commerces, des indépendants, ou des TPE) ont privé de revenu des centaines de milliers et des millions de personnes. Dans les endroits les plus défavorisés c’est la faim qui gagne du terrain. Un article du Canard Enchainé de ce 22 avril titre « Pour le Préfet du 9–3, c’est le début de la faim », préfet qui s’attend à devoir venir en aide à plus de 90000 personnes. L’article décrit une situation au bord de l’explosion. On craint l’émeute !

Pendant ce temps là, la France voit sous ses yeux l’incurie d’un gouvernement, tenant d’un système et d’une idéologie à bout de souffle, incapable de gérer la crise avec le moindre soucis de l’intérêt général et dont les décisions n’ont d’autre sens ni d’autre finalité que d’empêcher l’économie de s’effondrer. Or, toutes leurs décisions, tous leurs choix ne font au contraire qu’accélérer le processus (voir mon précédent billet). Le soutien, opaque, aux grandes entreprises non essentielles (20 milliards), le plaidoyer de celles ci pour qu’on les exonère de leur contraintes environnementales, le refus de faire le choix de la protection des salariés, la poursuite d’une politique de l’offre et le soutien irréfléchi aux conditions de son redémarrage, au lieu d’un changement de pied pour une politique de la demande (de masques, de sur blouses, de bouteilles d’oxygène, mais pas seulement) va produire les effets que l’on connaît : austérité, au motif de la dette, assèchement de l’économie, baisse des revenus généralisée, augmentation du chômage, de la précarité et de la misère. Un scenario à la grecque à l’échelle de la France, de l’Europe, et de tout le vieux monde ! Préparez vous car « Vous allez cracher du sang ! » (J.L. Mélenchon le 17 avril 2017, meeting de Lille)…

La réalité c’est que leur monde est mort, « tot », « kaputt » ! «Leur monde il est dead » comme dirait Sibeth. Ils ne le voient pas encore, mais il ne faut pourtant pas être grand clerc pour s’en convaincre. Car ce virus a finalement permis au monde libéral de se sauver les miches, si vous me passez le terme.

En effet, où en étions nous jusqu’au 14 mars dernier ? Dernier samedi avant le confinement, veille du 1er tour maintenu des élections municipales, ce samedi 14 mars, marque aussi l’acte 70 du mouvement des Gilets Jaunes. Soixante dix ! Soixante dix weekends que des françaises et des français, de toutes conditions se sont retrouvés pour battre le pavé et réclamer plus de justice sociale, environnementale, fiscale et démocratique. Soixante dix week‐ends, seize mois ininterrompus de conflit social auxquels sont venues s’ajouter fin novembre, la grève à Radio France, la contestation de la réforme des retraites depuis début décembre, et il faut bien le dire un début de sérieux agacement, déjà, sur la façon dont Macron et Philippe s’y sont pris pour gérer la pandémie.

Les français commençaient à prendre conscience que le gouvernement les trimballait : la démission de Buzyn, les tergiversations autour du confinement, autour de la fermeture des écoles, démentie dans un premier temps puis confirmée en moins de 48h00, les ministres qui se contredisaient les uns les autres, etc, etc. Tout ça a bien failli nous mener à deux doigts de l’insurrection généralisée, pour finir par ce que Macron nous annonce le 16 mars au soir sa décision de confiner tout le monde sans le début d’un soupçon de calendrier. Sur le fil ! Mais nous étions « en guerre » il fallait se battre, résister, tenir la tranchée, haut les coeurs, première ligne, bleu‐blanc‐rouge, république, vive la France ! On a évité de peu « Vive le maréchal Pétain », mais c’était tout juste ! Ouf ! Depuis, ça s’agite pour héroïser les soignant•e•s, promettre un grand plan pour l’hôpital, qu’on va distribuer, mais pas tant que ça finalement, des primes à tous ces gens si valeureux, « sans qui le Pays, la Nation, bla bla bla… Bla » ! Générique !

Ah ben non, tiens, justement ! L’usine qui en fabrique des génériques, et dont on aurait bien besoin par les temps qui courent, FAMAR à coté de Lyon, est en liquidation judiciaire, promise à la fermeture. Ça interpelle de partout pour que le gouvernement réquisitionne, nationalise ! Que fait‐il ? Rien ! Il faudrait des masques par millions ! L’État n’a rien fait pour éviter la fermeture, il y a deux ans, de l’usine Honeywell à Plaintel (22) dont c’était le métier, et qui manque cruellement aujourd’hui dans nos capacités de production. Un collectif se propose de remonter une usine et de repartir. Que fait le gouvernement ? Il refuse son aide. On apprend dans le même temps qu’un projet d’usine serait en cours en Ile de France. Quelle est la logique ?

L’usine LUXFER à Gerzat, a été fermée en 2018 par LUXFER Group. Elle produisait des bouteilles de haute technicité, en aluminium, pour l’oxygène médical. Pourquoi ça ? Le site perdait de l’argent ? Non ? Pour rien ! Juste pour augmenter la rentabilité, et, dans la perspective du Brexit, remettre de l’activité sur le site britannique ! Les ex‐salariés de Gerzat sont plusieurs dizaines à être prêts à reprendre le boulot. Contrairement à ce que dit le Gouvernement, les machines sont là, intactes, prêtes à redémarrer en quelques semaines, grâce à l’actions des ouvriers du site qui ont empêché que LUXFER ne les anéantisse. Mais lorsqu’on lui demande pourquoi l’État ne nationalise pas, ne réquisitionne pas, Olivier Dussopt, Secrétaire d’État répond « qu’il ne connaît pas le dossier ». On ne peut pas lui en vouloir, son portefeuille c’est la fonction publique, pas l’industrie… On lui proposera de se rapprocher utilement des camarades de la CGT qui lui expliqueront. En revanche, à la même question, la Secrétaire d’État en charge, Agnès Pagner‐Runacher, avoue pour sa part « qu’elle ne croit pas que les bouteilles soient stratégiques »… C’est sûr… en pleine épidémie galopante provoquant des détresses respiratoires violentes, les pompiers, ambulanciers, unités de SAMU et de SMUR, et autres auxiliaires de secours médical n’auront pas besoin de bouteilles d’oxygène, disponibles, fiables, éprouvées…

La réalité c’est que, en plus de leur total manque d’humanité et d’empathie, ces gens là sont prisonniers de leur idéologie. Leur idéologie c’est le libéralisme économique, c’est le libre marché, la libre concurrence, c’est l’idée que l’offre pléthorique et abondante fait tourner la machine, que le tertiaire peut s’affranchir de la production et se suffire à lui même… Bref, la fuite en avant érigée en croyance, et qui interdit tout intervention de l’État dans l’économie, puisqu’il serait par nature « inefficace », et transformerait soudain toute activité humaine dont il s’emparerait en « assistanat », en zone de privilèges et de privilégiés…

Or que voit on à travers cet épisode de pandémie ? Qu’en réalité, ce qui tient notre société, ce sont justement celles et ceux dont on a voulu nous faire croire qu’elles et ils étaient les privilégiés… Les ASH, les infirmier•e•s, les caissier•e•s , les éboueurs, et toutes celles et tous ceux qui, mal payé•e•s, déconsidéré•e•s, se lèvent aux aubes blafardes pour aller faire des jobs où l’on manque de tout, pour des salaires minables ! En réalité, ce qui tient notre société, ce sont les aides des systèmes sociaux : allocations, assurance chômage, etc.

En réalité, ce qui tient notre société, c’est la solidarité, expression de la fraternité, qui fait que les ONGs et associations de soutien aux sans abris, aux exilés, au plus démunis parmi les démunis, continuent leurs maraudes et leurs distributions malgré le virus. Est‐ce que quiconque parmi elles et eux se sent une âme de héros ou d’héroïne ? J’en doute. Ils et elles font cela parce que c’est juste. Pas parce que ça va leur rapporter plus.

Pendant ce temps là, le monde de Macron et des libéraux s’écroule, et personne n’est là pour le soutenir. La Fed, la BCE, et toutes les banques centrales du monde auront beau injecter des milliards et des milliards, mon sentiment c’est que cette fois, c’en est fini. It’s done ! Déjà bien conscientisé•e•s par le mouvement des Gilets Jaunes, les français•es ont compris que ce modèle libéral est caduque, qu’il ne tient plus. Il ne porte en lui que la guerre et la misère pour les peuples sur le dos de qui nous vivons, il ne produit qu’inégalité parmi nous et pour finir n’est pas capable de circonvenir une pandémie dans un monde qui n’a jamais été ni aussi riche ni aussi avancé technologiquement. Alors à quoi bon ?

Comme le cycliste qui chute par le caillou qui arrête net sa machine, le monde libéral s’effondre par le coronavirus qui vient stopper net son besoin vital de course à la croissance. Le libéralisme est comme une bicyclette, s’il n’avance pas, il chute ou alors a besoin de soutiens comme ces petites roulettes qu’on fixe au vélo des mômes pour qu’ils apprennent sans… risques. le libéralisme est une course folle au profit, dont on comprend bien que la seule issue est l’accident, la chute violente et douloureuse pour les corps et les sociétés qui s’y livrent.

Nous devons profiter de ce moment pour penser et nous préparer à mettre en œuvre une société de la solidarité, du partage, de l’entraide, de l’art, de la connaissance, de la transmission, du bien être, et de la paix; une société où l’on aurait du travail parce que l’on a un métier et pas un emploi, où chacune et chacun pourrait être fier•e de contribuer à la prospérité du groupe et non d’avoir accumulé plus que son voisin ; une société où l’on aurait le soucis de l’autre et ou on lui prêterait attention plutôt que de s’en méfier ou d’en avoir peur.

Une société où pourraient enfin advenir… les Jours Heureux !